Coriat's Art Atelier 249
40 ans de création d'un artiste plasticien
Né en 1961, Coriat est un artiste plasticien explorant, depuis 40 ans, notre rapport au monde et le cheminement de la pensée humaine. Histoire individuelle et collective, rapport à la Nature, évolution de l'Art au cours des siècles, il questionne, par des fusions de techniques et de styles multiples, notre capacité à nous détruire ou à nous sauver. Il aime expérimenter et collaborer avec d'autres artistes.
Présentation par Nicole-Nikol ABECASSIS
Ouvert sur toute la richesse des thèmes pouvant nourrir son inlassable recherche en matière plastique, il investit sa créativité avec autant d’exigence et sans ne jamais rien perdre de son style très personnel, aussi bien dans l’illustration SF-Fantasy ou l’illustration d’albums pour enfants, l’hyperréalisme, l’abstraction, le calligraphisme, le collage…, allant parfois jusqu’à mêler ces thèmes pour des résultats particulièrement surprenants.
Il est tout un pan de la peinture de Coriat qui donne à voir et même à éprouver quatre niveaux de réalité qui présentent tous la caractéristique remarquable de renvoyer à l’expérience que nous faisons malgré nous du chaos extérieur et intérieur ; chaos sous-jacent à l’ordre que, d’une part notre structuration humaine spontanée, d’autre part nos élaborations plus réfléchies, projettent sur la diversité sensible extérieure et intérieure, celle qui nous habite, et ce, pour en faire à la fois un monde adaptable à notre action et un monde rassurant : monde codé, nommé, bardé de repères… qui cache ainsi le magma originel pourtant toujours-là, en deçà.
Le premier niveau de réalité est ainsi celui, le plus primaire, des impressions sensibles auxquelles notre sensibilité humaine, et encore moins notre pensée, ne peuvent accéder, dans la mesure où l’une et l’autre y projettent leurs cadres perceptifs et cognitifs, se « fabriquant » ainsi un monde d’objets et de relations identifiables.
La peinture de Coriat s’attache ainsi à nous faire entrer, comme par effraction, en deçà de ces cadres, nous conduisant ainsi au plus près de ce qu’il en serait d’une descente vertigineuse jusqu’aux impressions sensibles originaires non intégrées dans nos structures et nos catégories : tourbillons de couleurs, de formes, de forces…, sur plusieurs niveaux de peintures mêlées, entrecroisées, superposées…
Le deuxième niveau de réalité est celui qui provoque toutes nos incertitudes et renvoie à notre expérience, toujours angoissante, de ce que nous appelons « hasard », en d’autres termes et pour parler avec plus de justesse : l’imprévisible ; d’abord l’imprévisible des circonstances, lesquelles défient les constantes de la nature, constantes que nous nous attachons à connaître et à maîtriser par nos techniques afin de nous rendre comme « maîtres et possesseurs de la nature » ; ensuite l’imprévisible qui est sans doute le plus terrible, mais aussi le plus essentiel : celui relevant de la volonté et de la liberté humaines, lesquelles font advenir, là où on ne s’y attend pas, quand on ne s’y attend pas, des ouvertures plus ou moins déstabilisantes exigeant de redéfinir toujours de nouvelles balises à nos existences. Voir également CORBALLI l'Hybride.
La peinture de Coriat joue ainsi avec les troubles du hasard et de la liberté, nous donnant à faire les expériences saisissantes de la non-maîtrise, de la perte des repères…, et renversant ainsi nos assurances illusoires : croisées d’œuvres initiales mues par des énergies distinctes, collages, découpages, accumulations de strates…
Le troisième niveau de réalité est celui de notre vie intérieure dont les représentations platement chronologiques ou causalistes sont totalement illusoires, nous laissant volontiers croire en l’idée rassurante d’une totalité cohérente d’événements parfaitement identifiables et narrables, celle d’un moi se trouvant ainsi à l’abri de toutes les turbulences. Or la vie intérieure est bien plutôt un foisonnement permanent de bribes en résonances, bribes d’ordres et d’horizons divers : sensations, émotions, sentiments, pensées…, mais aussi chocs, non-pensées ou obsessions, etc., accumulés au cours du temps d’une existence.
Une large série des peintures de Coriat nous propose ainsi de perdre pied en laissant jaillir, en écho aux scènes déroutantes qu’elle offre à nos regards, les entrechocs de notre vie intérieure, ceux-là mêmes que la psychanalyse désigne par l’expression si bien trouvée d’ « inquiétante étrangeté ».
Enfin, le dernier niveau de réalité est celui qui renvoie non plus au vécu individuel mais à celui de l’Histoire collective, précisément aux pans les plus douloureux de cette Histoire, que les hommes sont tentés de recouvrir du voile de l’oubli, souvent afin d’investir leur présent et de s’engager dans leur avenir avec la légèreté des consciences qui refusent d’assumer la responsabilité humaine des désastres qui jalonnent leur passé.
Ainsi, à ce niveau-là, la peinture de Coriat travaille à ouvrir nos mémoires sur ce qu’elles tentent de laisser au dehors, d’expulser : par des images fortes, parfois brutales et toujours déroutantes du fait de leur intensité, les peintures qui s’inscrivent dans ce dernier niveau nous acculent à regarder en face ce qui nous regarde. L’évitement devient impossible, la confrontation incontournable.
Nicole-Nikol ABECASSIS